De l’archipel des luttes à l’unité du Peuple

Depuis plusieurs mois, avec l’espace des luttes de la France Insoumise, nous multiplions les rencontres avec les associations, les syndicalistes, les citoyens qui s’organisent contre la résignation ambiante. Ces rencontres sont des temps très forts : elles dessinent la cartographie impressionnante des secteurs attaqués par les politiques libérales. C’est aussi une cartographie qui fait émerger une multitude d’îles, de poches, d’espaces de résistance. De ces foyers de lutte qui couvent, on sent que peut naître l’étincelle qui embrasera la plaine. Car les salarié.es de ce pays sont à bout. Autour de nous, ça craque de partout!

Deux exemples que je souhaite ici développer en quelques lignes : Celui des AESH (Accompagnant.es d’élèves en situation de handicap) et le cas des étudiant.es orthophonistes. Deux catégories professionnelles discrètes mais passionnées par leur métier. Deux secteurs qui ne sont pas souvent à la une de la chronique sociale et pourtant… Leur situation est très préoccupante.

-AESH et AVS (Assistant.es de vie scolaire): les soutiers de l’éducation nationale.

AESH

Ils et elles sont présent.es dans nos écoles, nos collèges et lycées. Ils font partie depuis plusieurs années du paysage scolaire et des équipes éducatives. Vous les connaissez sans doute : ils accompagnent au quotidien des élèves pour les aider à avancer sur le chemin de la réussite.  Le saviez-vous ? Les AESH recrutés par le rectorat doivent attendre près de 6 ans pour obtenir un CDI. Et au final, nombreux sont celles et ceux qui tombent de haut une fois le « Saint-Graal » obtenu : le temps partiel est imposé, ils travaillent souvent 30h payées 27 pour des sommes qui oscillent souvent entre 600 et 900 euros.

Point de formation digne de ce nom pour les AESH. On prend sur les heures d’accompagnement pour leur en donner un semblant.

Les AESH sont les précaires de la République. C’est encore plus honteux car c’est l’Etat qui entretient cette précarité : n’est-il pas censé l’endiguer et la combattre par l’action publique ? L’académie de Lille compte 3 674 AVS en contrats aidés de 18 mois et 2 445 AVS-AESH, embauchés par l’Éducation nationale. Impossible pour ces femmes et ces hommes d’obtenir un prêt pour un acheter une maison, une voiture, difficulté à joindre les deux bouts… Comment dès lors accomplir avec sérénité une tâche éducative énergivore ?

600 AVS et AESH se sont regroupés et organisés pour défendre leur droit à la dignité, à une juste rémunération et à une formation de qualité.

-Orthophonistes dans le secteur public : une espèce en voie de disparition ?

Avoir accès aux services d’un.e orthophoniste à l’hôpital public est déjà un parcours du combattant. Beaucoup de postes n’y sont plus pourvus par manque d’attractivité. Et pour cause : malgré le passage de la formation au grade de master en 2013, les orthophonistes du public sont toujours payés au niveau bac +2 ! Les orthophonistes de l’hôpital gagnent ainsi 50 euros de plus que le SMIC en débutant et n’atteignent 2000 euros qu’après 14 ans d’ancienneté ! Leur rôle est pourtant capital : après un AVC si la prise en charge est rapide  au niveau de la rééducation, le patient récupère plus vite. Autre argument qui devrait pourtant plaire aux libéraux: la précocité de la prise en charge en ce qui concerne la rééducation post-AVC,  la démence précoce, ou la néo-natalité fait baisser le coût sur le long terme pour le système de santé.

La Fédération Nationale des orthophonistes interpelle les gouvernements successifs depuis des années sur la précarisation accélérée de la profession. Des dizaines de courriers, d’interpellations élus, de questions écrites ou orales sans réponse des différents gouvernements. Le silence est assourdissant. Pourtant, M. DUSSOPT et Mme GOURAUD aujourd’hui au gouvernement PHILIPPE avaient appuyé les revendications des orthophonistes dans le passé… Auraient-ils subitement oublié leurs engagements en faisant allégeance à Macron ? Le 29 mars, c’était « journée orthophonie morte » : le cri des professionnels de l’orthophonie aura-t-il été entendu ?

-Le rôle de l’espace des luttes : Jeter des ponts pour unifier l’archipel des mobilisations sociales

L’espace des luttes se donnent une mission : mettre cet archipel, cette mosaïque de luttes en connexion, offrir une plate-forme d’échanges et de convergence.

Depuis son élection en mai 2017, Emmanuel Macron a lancé une vaste offensive contre le droit du travail, les services publics, les retraité.es, les étudiant.es, les chômeurs et les salarié.es. A marche forcée, Macron sabre méthodiquement le droit du travail, refuse le dialogue et conduit le Peuple à l’éclatement : les précaires s’opposent aux précaires, les « assistés » sont stigmatisés, les instincts et les égoïsmes individuels sont attisés par l’exécutif afin d’instiller entre les Français le ferment de la division.

Nous ne sommes pas résignés à voir les solidarités se déliter. Notre responsabilité de citoyennes et de citoyens nous conduit à nous rassembler. Nous sommes cette grande majorité regroupée autour d’un étendard : l’intérêt du Peuple.

Les salarié.es, les cheminot.es qui luttent à cette heure ne le font pas pour eux-mêmes. Ils ne bataillent par pour leur statut ou leurs prétendus « privilèges ».  Leur combat est à la pointe de la reconquête des services publics.

Les étudiant.es qui se mobilisent toujours plus nombreux pour alerter contre les dangers de la sélection à l’université ont un objectif clair: garantir à toutes et à tous le droit de choisir librement ses études et sa vie.

On l’a vu, la liste est longue des secteurs professionnels où les braises sociales couvent. Jamais pourtant il ne s’agit de luttes corporatistes : toutes et tous savent qu’ils agissent pour défendre les biens communs.

L’heure est grave. Il nous faut maintenant dire stop à la régression, à la guerre sociale de tous contre tous et faire converger toutes ces luttes. Au-delà de nos catégories socio-professionnelles, de nos affinités politiques ou syndicales nous devons nous unir autour d’un objectif commun : reprendre l’initiative et mettre en échec Macron et son monde.

Citoyennes, citoyens, syndicalistes, militant.es associatifs ou politiques, nous sommes le Peuple.

Proclamons-le : Nous souhaitons porter un autre projet de société, celui du progrès humain et social. L’intérêt général, voilà notre boussole.

Le collectif AESH 59/62 : https://aeshetavscollectif5962.wordpress.com/

La fédération nationale des orthophonistes : http://www.fno.fr/ressources/fno-les-services/l-orthophoniste/

Scènes de crime

-Les truands à l’offensive

Mader Colors, Nidaplast, Stocks américains, Castorama ….Dans le Nord,  la liste des attaques incessantes contre les salariés et leurs droits ne cesse de s’allonger

Depuis septembre, les « énergies » semblent libérées, les éléments déchainés : Macron a  a assouvi les fantasmes ultra-libéraux d’un certain patronat revanchard.  « Le code du travail, voilà l’ennemi ! Le blanc-seing accordé par Macron à travers ses ordonnances a achevé de transformer le monde du travail et le « dialogue social » en Far Ouest.  On ne compte plus les cas de personnes licenciées arbitrairement et sans recours, de syndicalistes menacés verbalement, les situations de refus complet de dialogue de la part des directions. La désorganisation des « rapports sociaux » dans l’entreprise est complète, l’opacité est générale, l’impunité, totale. De ce « chaos libérateur » organisé par les ordonnances Macron, doit naitre l’harmonie. La croissance sans fin et  la relance de l’emploi sont ensuite censées suivre. Mais l’illusion a été de courte durée. Madame Pénicaud  a elle-même reconnu récemment que la dérégulation du monde du travail n’amène pas « mécaniquement » la relance de l’économie et la baisse du chômage. Trop tard. Les escrocs avaient déjà accompli leur œuvre.

Dans les entreprises citées en ouverture de ce propos, un point commun : les directions s’estiment déliées de toute obligation, de toute responsabilité morale. Elles ne jugent même plus utiles d’informer les délégués des salariés au travers des conseils d’administration sur la stratégie de l’entreprise.  Un rideau de fer est tombé sur le dialogue social et la « démocratie d’entreprise ».

Il me revient à l’esprit une image glaçante et grise : celle d’une façade d’immeuble haussmannien au cœur de Lille.  Ce bâtiment, c’est le siège de Mader Colors, fabricant de peintures qui possède le site de Mareuil dans le Pas-de-Calais (62). La liquidation est venue  à peine quelques mois après un premier plan de licenciements. A l’interrogation légitime des salariés, la direction a offert une façade fermée d’immeuble, un mur : le siège de l’entreprise avait été complètement évacué dès le matin afin d’empêcher les salariés du site de Mareuil  de remettre leur supplique en mains propres. Le désarroi était total pour ces gens à qui on refusait même la simple amorce d’un dialogue .

 

 

 

Chez Viapost, filiale de La Poste,  qui distribue les produits Nocibé et Kiabi de vente par correspondance, les délégués syndicaux appuyés par la grande majorité du personnel demande des réponses à leur direction sur la stratégie à long terme de l’entreprise. Silence radio de la direction et inquiétude sur la pérennité de l’activité. Ici les salariés naviguent à vue.

CP Viapost-1

Ce tableau brossé à grands traits peut, j’en conviens, décourager.  A quoi bon lutter face aux trucages, omissions et à l’opacité installées comme règles dans un monde du travail aux protections atomisées ?

L’espoir surgit du collectif. Refaire collectif est la première étape vers des victoires futures. Je pense par exemple à ces co-gérants des magasins Stocks américains  dans les Hauts-de-France (vêtements, jeannerie). Rien ne prédestinait les co-gérants à la lutte. Ils étaient en autonomie dans leur magasin respectif, conscient de la difficulté de leur situation individuelle mais isolés. Sous l’impulsion de gérants courageux, ils se sont réunis un samedi matin dans un magasin, derrière le rideau baissé.  Autour d’un verre et d’un paquet de chips, ils ont sorti les contrats de travail, les liasses de bulletins de salaires. Ils ont échangé, débattu, se sont engueulés et finalement, ils se sont reconnus : ils sont dans la même galère avec un contrat et des salaires précaires (300 euros de fixe par mois, le reste du salaire consiste en commission !). De cette mise en commun des problèmes de chacun a accouché une revendication commune : la requalification de leur contrat de travail.

 

Face aux multinationales ou au grand patronat qui possèdent un vaste réseau de protection de  leurs intérêts nous avons une mission cruciale : récréer du collectif, reconstruire une organisation complète d’autodéfense et de conquête sociale. S’organiser pour ne plus subir.

-La FI mène l’enquête.

Quelle est la mission de la France Insoumise dans cette réorganisation ? Nous avons la mission d’être les enquêteurs du quotidien. Lorsque nous venons en soutient sur une lutte sociale, nous sommes souvent confrontés à une scène de crime social. Il nous faut enquêter et partir à la recherche des indices, relever les traces apparentes et « suivre l’argent ». Où va en effet l’argent public offert depuis 40 ans  aux multinationales pour la relance de l’emploi ? A qui profite le crime ?

Le groupe Castorama-Kingfisher a enregistré cette année 332 millions d’euros de bénéfices. Il a touché 30 millions de CICE. Pourtant, il va délocaliser 750 emplois en Pologne.  La raison de fonds ? Optimiser le rendement des dividendes pour les actionnaires. Difficile de combattre cette « menace fantôme », cet ennemi invisible quand au quotidien on met sous le nez des braves gens tout un lot de coupables idéaux : le chômeur, l’assisté, l’étranger, le Rom, le jeune….

 

Notre travail de militant-enquêteur est de démonter le mécanisme du crime social perpétré dans nos usines, nos services publics. Nous devons enquêter et témoigner pour que continue à exister toutes ces vies brisées par le capitalisme et l’appât du profit sans limites.

La convention de la France Insoumise à Clermont-Ferrand a pris une décision importante : elle a décidé de constituer un réseau d’alerte sur le terrain des luttes sociales et écologiques. L’espace des luttes sociales sera coordonné par Danielle Simonnet et Philippe Juraver. L’objectif n’est pas de marcher devant les syndicats ou de les remplacer dans leur formidable et indispensable travail auprès des travailleurs de ce pays. Il s’agit plutôt d’amplifier, de redonner une visibilité, un porte-voix, à celles et ceux qui n’en n’ont plus.  Le groupe des 17 députés de la France Insoumise doit puiser dans ces luttes quotidiennes, l’inspiration et la motivation qui guideront son travail. Dans le Nord, c’est l’objectif que nous poursuivons avec les députés France Insoumise Adrien Quatennens et Ugo Bernalicis. Ils ont en effet souhaité placer les luttes au cœur de leur engagement parlementaire

Le dialogue constant avec les syndicalistes des secteurs publics et privés, avec les lanceurs d’alerte doit aussi nous permettre de jeter les bases de nouveaux rapports sociaux. Le programme l’Avenir En Commun porte des propositions importantes pour établir enfin une véritable citoyenneté dans l’entreprise, pour créer un véritable statut aux lanceurs d’alerte, pour accorder un droit de véto aux représentants des salariés dans les conseils d’administration.

Rassembler, réorganiser, résister, c’est la mission que nous nous donnons. Construisons ensemble cet espace des luttes sociales et écologiques : un Peuple uni (et organisé) n’est jamais vaincu !

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